Du navire de guerre au déchet toxique
Tous le monde en Europe connaissait le Clémenceau, ce porte-avions fleuron de la marine française, baptisé du nom de Georges Clémenceau, premier ministre français victorieux de la première guerre mondiale. Le bateau inspirait crainte et admiration, tous les enfants étaient fascinés, et le Clémenceau naviguait de mer en mer et de guerre en guerre, représentant la puissance de la France. Inauguré en 1957, il a participé à deux guerre en Méditerranée: au Liban (1975-1990), et en Yougoslavie (1992-1995).
Une fois désarmé en 1997, on a réalisé que toute l'isolation du bateau était faite d'amiante. L'amiante est un matériau couramment utilisé dans les années 1960-1990 pour ses propriétés isolantes. On en trouve partout: dans la construction, dans l'industrie, sur les navires... On s'est ensuite rendu compte qu'en se dégradant l'amiante devient une fine poussière hautement cancérigène. C'est resté longtemps un secret bien gardé, car de gros intérêts étaient en jeu. Finalement l'Europe a interdit l'amiante en janvier 2005. En France seulement, l'amiante est déjà responsable de 50'000 décès.
Le fier porte-avion d'autrefois devient un déchet toxique flottant dont la France veut se débarasser. Un jour guerrier, le lendemain lépreux.
La France mandate alors un chantier indien pour sa destruction. On imagine les conditions de travail en Inde avec les matières toxiques, et le cynisme des français qui organisent l'opération.
Mais tout ne se passe pas comme prévu. Car l'Egypte refuse pendant 10 jours de le laisser traverser le canal de Suez, et demande finalement 200'000$ supplémentaires. Puis l'Inde proteste, et interdit, pour le moment, l'entrée sur son territoire.
Il y a dans cette histoire un peu de la fable. Le puissant tyran devenu faible et honteux. Le prestige qui se retrouve nu sans la menace. L'armure brillante qui contenait un spectre.