13 janvier 2012

Brasil 2/ Frühlingfest

En avril 1959, l'artiste Meret Oppenheim organise à Berne la "Frühlingsfest", une fête de printemps.

La lumière consistait seulement de bougies. Au millieu de la pièce se trouvait une table longue et étroite, couverte d'une nappe blanche qui tombait jusqu'au sol. Une jeune fille était allongée dessus. J'avais couvert ses pieds et le bas de ses jambes de serviettes blanches; le visage et la gorge était dorés (une crème à base de bronze et vaseline). Le tête (les cheveux tirés en arrière) était couverte de roses et de mimosas, depuis lesquelles des fruits confits de toutes les couleurs tombaient en cascade jusqu'aux épaules. Sur les cuisses j'avais placé les langoustes, avec les antennes vers le haut. Ensuite venaient les hors d'oeuvre (Langoustes et mayonnaise), un gros streak tartare, ensuite une ceinture de chapignons crus avec de la crème. Sur les seins droit et gauche de la crème fouettée avec respectivement du chocolat rapé et de la purée de fraises, le tout constellé de violette confites. Le long du torse et des bras étaient calés des biscuits langue de chat. Un tapis d'anémones des bois recouvrait la surface de la table que le corps laissait libre. Là au milieu étaient placés cinq vers à champagne, mais naturellement il n'y avait ni assiettes ni couvert.

A la demande d'André Breton, l'évènement sera reproduit à Paris en décembre 1959 pour l'inauguration de l'exposition internationale du surréalisme à la gallerie Daniel Cordier.



Une des rares photographie de l'évènement, où l'on voit un homme, cigarette à la main, penché au-dessus de la femme-festin, déclencha une polémique sur la représentation de la femme, qui déplut à l'artiste. Comme elle s'en explique elle-même:
Also nicht "die Frau als Lustobjekt für die Männer". Sondern ein Frühlingsfest, ich möchte sagen ein Frühlings - Fruchtbarkeit - Ritual für alle.

Les citations sont extraites de "Frühlingsfest Bern, April 1959", par Meret Oppenheim. Archives littéraires suisses SLA-MO-DB-A-06/2.

Brasil 1 / Manifesto antropofago


Manifeste anthropophage de Oswald De Andrade, publié en 1928 dans le premier numéro de la Rivista de Antropofagia.

Extraits:
Seule l'anthropophagie nous unit. Socialement. Economiquement. Philosophiquement.

Unique loi du monde. Expression masquée de tous les individualismes, de tous les collectivismes. De toutes les religions. De tous les traités de paix.
Tupi, or not tupi that is the question*

C'est pourquoi nous n'avons jamais eu de grammaire, ni collectionné les herbiers. Et nous n'avons jamais su ce qui était urbain, suburbain, frontalier et continental. En flemmardant sur la mappa mundi du Brésil.


Nous voulons la Révolution Caraïbe. Plus grande que la Révolution Française. L'unification de toutes les révoltes efficaces en direction de l'homme. Sans nous l'Europe n'aurait même pas sa pauvre déclaration des droits de l'homme.

Filiation. Le contact avec le Brésil Caraïbe. Ori Villegaignon print terre(3). Montaigne. L'homme naturel. Rousseau. De la Révolution Française au Romantisme, à la Révolution Bolcheviste, à la Révolution Surréaliste et au barbare technicisé de Keyserling (4). On a fait du chemin.

Anthropophagie. La transformation permanente du Tabou en totem.

Contre le monde réversible et les idées objectivées. Cadavérisées. Le stop de la pensée qui est dynamique. L'individu victime du système. Source des injustices classiques. Des injustices romantiques. Et l'oubli des conquêtes intérieures.

Nous avions déjà le communisme. Nous avions déjà la langue surréaliste. L'âge d'or.

Nous sommes concrétistes. Les idées s'imposent, s'opposent, brûlent les gens sur les places publiques. Supprimons les idées et les autres paralysies. Pour les plans. Croire aux signaux, croire aux instruments et aux étoiles.

La lutte entre ce qui s'appellerait l'Incréé et la Créature, - illustrée par la contradiction permanente de l'homme et de son Tabou. L'amour quotidien et le modus vivendi capitaliste. Anthropophagie. Absorption de l'ennemi sacré. Pour le transformer en totem. L'humaine aventure. La finalité terrienne.