28 février 2007
25 février 2007
Le singe et le sage (épistémologie)
L'homme utilise la référence comme le singe utilise un caillou: il le ramasse et l'abat contre le premier objet. Un effet se produit ? Il recommence. L'effet se reproduit; il recommence plus fort. L'effet se prolonge? Il ménage son effort.
Il est fatigué.
Il voudrait produire le même effet avec moins d'effort.
Il observe la pierre. La retourne. Choisit un meilleure prise.
Il en casse des morceaux, se met à la tailler. Il s'en fait un outil.
Une fois utilisées, nos références ressemblent à ce qu'elle étaient comme le silex ressemble au caillou. Sa fonction, plus que son origine, détermine sa forme.
Mais l'homme les croît intactes.
Demandez au singe d'où vient la trace sur le mur. Il se désigne.
Demandez à l'homme qui a tué le singe. Il montre la pierre.
Donc, Isaac, qui du singe ou de l'homme en fait meilleur usage ?
Il est fatigué.
Il voudrait produire le même effet avec moins d'effort.
Il observe la pierre. La retourne. Choisit un meilleure prise.
Il en casse des morceaux, se met à la tailler. Il s'en fait un outil.
Une fois utilisées, nos références ressemblent à ce qu'elle étaient comme le silex ressemble au caillou. Sa fonction, plus que son origine, détermine sa forme.
Mais l'homme les croît intactes.
Demandez au singe d'où vient la trace sur le mur. Il se désigne.
Demandez à l'homme qui a tué le singe. Il montre la pierre.
Donc, Isaac, qui du singe ou de l'homme en fait meilleur usage ?
Maghrib - Fez - 29/1/2007
Quant nous étions à Fez, coeur du Maroc, il pleuvait et des torrents de boue remplissaient les ruelles de la médina. Nous étions dix, dont un seul marocain. A peine entrés, plusieurs guides et les faux-guides proposèrent leurs services. Nous nous suivions notre ami marocain. Les guides-faux-guides essayent de la convaincre de nous amener quelque part. Il se montre intraitable. Entre temps nous continuons à descendre vers le centre de cette immense médina humide. Assez vite une certaine tension s'installe. On ne sait pas vers où on se dirige. Des hommes nous suivent et parlent à Wadia de plus en plus énervés. On accélère. Droite. Gauche. Gauche. Gauche. Droite. Un homme me dit: c'est un cul de sac ! Je le crie à Wadia; trop tard, il disparaît dans un coude. Derrière moi les guides-faux-guides rient mauvais. Je suis les filles dans le cul de sac. On marche une minute. On arrive au fond. Voilà.
Là, sur la photo, c'est le fond du cul de sac.
Précis de nihilisme grec
Par A. J. Ferguson, qui réagit toujours à l'épistémologie juive.
Les cavales qui m'emportent au gré de mes désirs, se sont élancées sur la route fameuse de la Divinité, qui conduit partout l'homme instruit; c'est la route que je suis, c'est là que les cavales exercées entraînent le char qui me porte. Guides de mon voyage, les vierges, filles du Soleil, ont laissé les demeures de la nuit et, dans la lumière, écartent les voiles qui couvraient leurs fronts.
Dans les moyeux, l'essieu chauffe et jette son cri strident sous le double effort des roues qui tournoient de chaque côté, cédant à l'élan de la course impétueuse.
Voici la porte des chemins du jour et de la nuit, avec son linteau, son seuil de pierre, et fermés sur l'éther ses larges battants, dont la Justice vengeresse tient les clefs pour ouvrir et fermer.
Les nymphes la supplient avec de douces paroles et savent obtenir que la barre ferrée soit enlevée sans retard; alors des battants elles déploient la vaste ouverture et font tourner en arrière les gonds garnis d'airain ajustés à clous et à agrafes; enfin par la porte elles font entrer tout droit les cavales et le char.
La Déesse me reçoit avec bienveillance, prend de sa main ma main droite et m'adresse ces paroles:
« Enfant, qu'accompagnent d'immortelles conductrices, que tes cavales ont amené dans ma demeure, sois le bienvenu; ce n'est pas une mauvaise destinée qui t'a conduit sur cette route éloignée du sentier des hommes; c'est la loi et la justice. Il faut que tu apprennes toutes choses, et le coeur fidèle de la vérité qui s'impose, et les opinions humaines qui sont en dehors de la vraie certitude. Quelles qu'elles soient, tu dois les connaître également, et tout ce dont on juge. Il faut que tu puisses en juger, passant toutes choses en revue.
Allons, je vais te dire et tu vas entendre quelles sont les seules voies de recherche ouvertes à l'intelligence; l'une, que l'être est, que le non-être n'est pas, chemin de la certitude, qui accompagne la vérité; l'autre, que l'être n'est pas: et que le non-être est forcément, route où je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser séduire.
Tu ne peux avoir connaissance de ce qui n'est pas, tu ne peux le saisir ni l'exprimer, car le pensé et l'être sont une même chose.
Les cavales qui m'emportent au gré de mes désirs, se sont élancées sur la route fameuse de la Divinité, qui conduit partout l'homme instruit; c'est la route que je suis, c'est là que les cavales exercées entraînent le char qui me porte. Guides de mon voyage, les vierges, filles du Soleil, ont laissé les demeures de la nuit et, dans la lumière, écartent les voiles qui couvraient leurs fronts.
Dans les moyeux, l'essieu chauffe et jette son cri strident sous le double effort des roues qui tournoient de chaque côté, cédant à l'élan de la course impétueuse.
Voici la porte des chemins du jour et de la nuit, avec son linteau, son seuil de pierre, et fermés sur l'éther ses larges battants, dont la Justice vengeresse tient les clefs pour ouvrir et fermer.
Les nymphes la supplient avec de douces paroles et savent obtenir que la barre ferrée soit enlevée sans retard; alors des battants elles déploient la vaste ouverture et font tourner en arrière les gonds garnis d'airain ajustés à clous et à agrafes; enfin par la porte elles font entrer tout droit les cavales et le char.
La Déesse me reçoit avec bienveillance, prend de sa main ma main droite et m'adresse ces paroles:
« Enfant, qu'accompagnent d'immortelles conductrices, que tes cavales ont amené dans ma demeure, sois le bienvenu; ce n'est pas une mauvaise destinée qui t'a conduit sur cette route éloignée du sentier des hommes; c'est la loi et la justice. Il faut que tu apprennes toutes choses, et le coeur fidèle de la vérité qui s'impose, et les opinions humaines qui sont en dehors de la vraie certitude. Quelles qu'elles soient, tu dois les connaître également, et tout ce dont on juge. Il faut que tu puisses en juger, passant toutes choses en revue.
Allons, je vais te dire et tu vas entendre quelles sont les seules voies de recherche ouvertes à l'intelligence; l'une, que l'être est, que le non-être n'est pas, chemin de la certitude, qui accompagne la vérité; l'autre, que l'être n'est pas: et que le non-être est forcément, route où je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser séduire.
Tu ne peux avoir connaissance de ce qui n'est pas, tu ne peux le saisir ni l'exprimer, car le pensé et l'être sont une même chose.
20 février 2007
Essai d'épistémologie séfaradim
La connaissance est un confort.
Le sage ne cherche pas la connaissance pure. C'est une erreur de croire qu'il s'efforce de comprendre l'universel. C'est la tâche de l'alchimiste.
Le sage cherche la connaissance comme les oiseaux cherchent des brindilles: pour s'en faire un nid.
Le malheur, c'est qu'il y est seul.
Quel est son plaisir ?
La référence.
La référence est au sage ce que la nuit est au capitaine.
Une carte.
Plus la référence est belle, plus le plaisir est grand.
- Retiens bien, Isaac, la référence est une carte !
La référence a un pouvoir sanctionné par l'histoire. Aussi le sage qui accumule les références accumule aussi du pouvoir. Le pouvoir de situation.
- Alors, Isaac, quel est le pouvoir de la référence ?
- La carte !
- Imbécile ! Qu'est ce que j'ai fait a Dieu pour me punir avec un âne comme toi ! Si ton père ne m'avait pas fait jurer ma parole je te jetterai à la rue ! ... La référence, Isaac, c'est la carte, et son pouvoir, la situation !
- La référence isaa.. c'est la carte ! ... La référence c'est carte situation pouvoir.
- Ca va pour aujourd'hui. Sors de va vue !
Cette nuit-là le sage retrouva Isaac perdu dans la medina. Il suppliait à haute voix un livre de le ramener chez lui.
Le sage ne cherche pas la connaissance pure. C'est une erreur de croire qu'il s'efforce de comprendre l'universel. C'est la tâche de l'alchimiste.
Le sage cherche la connaissance comme les oiseaux cherchent des brindilles: pour s'en faire un nid.
Le malheur, c'est qu'il y est seul.
Quel est son plaisir ?
La référence.
La référence est au sage ce que la nuit est au capitaine.
Une carte.
Plus la référence est belle, plus le plaisir est grand.
- Retiens bien, Isaac, la référence est une carte !
La référence a un pouvoir sanctionné par l'histoire. Aussi le sage qui accumule les références accumule aussi du pouvoir. Le pouvoir de situation.
- Alors, Isaac, quel est le pouvoir de la référence ?
- La carte !
- Imbécile ! Qu'est ce que j'ai fait a Dieu pour me punir avec un âne comme toi ! Si ton père ne m'avait pas fait jurer ma parole je te jetterai à la rue ! ... La référence, Isaac, c'est la carte, et son pouvoir, la situation !
- La référence isaa.. c'est la carte ! ... La référence c'est carte situation pouvoir.
- Ca va pour aujourd'hui. Sors de va vue !
Cette nuit-là le sage retrouva Isaac perdu dans la medina. Il suppliait à haute voix un livre de le ramener chez lui.
06 février 2007
Le roi du Maroc
Le Maroc est une monarchie constitutionnelle d'un type un peu spécial. Le roi appelle le premier ministre, est le suprême commandant de l'armée, et nomme directement, peu importe le résultat des éléctions, le ministre de l'intérieur, celui des affaires extérieures et celui des affaires religieuses. Il est aussi, selon la Constitution, le commandeur des croyant et sa personne est "sacrée".
Tout cela donne l'impression d'une monarchie traditionnelle héritée de la nuit des temps. Mais ce n'est pas si simple. Avant la colonisation, le roi n'était pas roi, il était sultan. Et son empire n'avait pas de frontières fixes. D'ailleurs aujourd'hui non plus. Il avait l'allégeance de grandes tribus arabes ou berbères, urbaines ou rurales, qui parfois payaient l'impôt, parfois se rebellaient.
Cela pour dire que ce sont les nationalistes marocains qui ont "inventé" le marocain, dans les années 1920-1930, après l'arrivée des Français. Le berbère de l'Atlas est marocain, le berbère du Rif est marocain, l'arabe-andalou est marocain, le juif est marocain, même le maure est marocain.
Ce sont aussi les nationalistes marocains qui ont "inventé" la royauté. Il ont transformé le sultan en roi du Maroc.
Le souverain, assez content de cette proposition, a commencé a revendiquer l'indépendance. Du coup les français l'ont exilé. Jamais un exil n'a été une meilleure garantie de légitimité. A son retour, Youssef était devenu Mohammed V roi du Maroc.
Aujourd'hui sur le trône règne Mohammed VI, petit-fils du no V. Mais le Palais joue un rôle bien ambigu. Non content que son peuple lui ait créé un pays, il joue aux échec avec l'ensemble de l'Etat. Il poursuit son intérêt - garder le maximum de pouvoir possible - tout en jouant la carte de la démocratisation. Les indépendentistes, qui partagent avec le roi les sources de légitimité de l'Etat, sont moribonds en tant que parti politique, après s'être fait laminés par le roi précédent, Hassan II.
Aujourd'hui le Maroc a trois tabous: l'unité territoriale (la question du Sahara occidental), la sacralité du roi, et l'homosexualité présumée de Mohammed VI.
(Et j'espère que la BOLICE marocaine va s'énerver un peu, ça me fera des lecteurs en plus.)
Tout cela donne l'impression d'une monarchie traditionnelle héritée de la nuit des temps. Mais ce n'est pas si simple. Avant la colonisation, le roi n'était pas roi, il était sultan. Et son empire n'avait pas de frontières fixes. D'ailleurs aujourd'hui non plus. Il avait l'allégeance de grandes tribus arabes ou berbères, urbaines ou rurales, qui parfois payaient l'impôt, parfois se rebellaient.
Cela pour dire que ce sont les nationalistes marocains qui ont "inventé" le marocain, dans les années 1920-1930, après l'arrivée des Français. Le berbère de l'Atlas est marocain, le berbère du Rif est marocain, l'arabe-andalou est marocain, le juif est marocain, même le maure est marocain.
Ce sont aussi les nationalistes marocains qui ont "inventé" la royauté. Il ont transformé le sultan en roi du Maroc.
Le souverain, assez content de cette proposition, a commencé a revendiquer l'indépendance. Du coup les français l'ont exilé. Jamais un exil n'a été une meilleure garantie de légitimité. A son retour, Youssef était devenu Mohammed V roi du Maroc.
Aujourd'hui sur le trône règne Mohammed VI, petit-fils du no V. Mais le Palais joue un rôle bien ambigu. Non content que son peuple lui ait créé un pays, il joue aux échec avec l'ensemble de l'Etat. Il poursuit son intérêt - garder le maximum de pouvoir possible - tout en jouant la carte de la démocratisation. Les indépendentistes, qui partagent avec le roi les sources de légitimité de l'Etat, sont moribonds en tant que parti politique, après s'être fait laminés par le roi précédent, Hassan II.
Aujourd'hui le Maroc a trois tabous: l'unité territoriale (la question du Sahara occidental), la sacralité du roi, et l'homosexualité présumée de Mohammed VI.
(Et j'espère que la BOLICE marocaine va s'énerver un peu, ça me fera des lecteurs en plus.)